

SOUTERRAIN : UN DRAME ENFOUI SOUS LES DÉCOMBRES
27 janvier 2022
Déjà connue au Québec après la sortie de son film Chien de garde (2018), Sophie Dupuis s'illustre dans son deuxième long métrage dans sa capacité à se situer encore plus proche de l’être humain.
Reporté depuis 2020 à cause de la situation sanitaire, Souterrain arrive enfin dans les salles françaises le 26 janvier prochain.
Ce film met en scène Maxime (Joakim Robillard), un jeune mineur d’or québécois, qui va tenter de secourir ses camarades plongés sous terre suite à une explosion. En parallèle, il tente d’aider son ancien collègue et ami Julien (Théodore Pellerin) atteint d’un sérieux handicap physique. Au travers des plans serrés et d’un silence pesant, ce drame dresse un portrait cru de leur conditions de vie et de travail.
Caméra à l’épaule à la manière d’un documentaire, Sophie Dupuis parvient avec brio à tenir en haleine le spectateur. C’est en montrant la difficulté du métier qu'exerçait son père qu’elle reste familière au sujet des mines en faisant jouer de vrais mineurs aux côtés d’acteurs professionnels. Le réalisme est accentué grâce à l’ambiance par moment suffocante en particulier en suivant les deux protagonistes, Maxime et Julien. C’est face aux difficultés de leurs conditions de travail et de vie précaires qu’ils vont tenter de s'affirmer.
Le film procède comme une métaphore de la mine, de l’obscurité en quête perpétuelle de lumière. S’enfoncer jusqu’à toucher le fond pour pouvoir mieux rebondir ensuite. Plus Maxime s’enfonce dans les galeries, plus la marche funèbre semble prendre de l'ampleur : des bruits de tambours retentissent en fond sonore comme si la mort était presque inévitable, contrastant avec les longs silences.
Malgré les couleurs froides traduisant la colère et la peur, des passages aux couleurs chaudes font leur apparition comme pour souligner l’élan de fraternité, entre collègues et dans leurs familles, ainsi que leurs espoirs.
Le film interroge la mise à l'épreuve actuelle de la masculinité des ouvriers : leur rapport à la paternité, les propos qu’ils peuvent tenir sur les femmes, la rareté de celles-ci dans ce pays minier, les difficultés des couples dans les conditions de vie. Ainsi, c’est en appuyant sur l’exemple de Maxime que la réalisatrice montre que la vie intime des travailleurs est liée à leur vie professionnelle, quitte à dépasser certaines limites.
Travaillant sous la terre, une métaphore de la mentalité des mineurs est perçue par le spectateur. Mais l’intention de Sophie Dupuis n’est pas de donner à penser que ces mineurs sont étroits d’esprit. Au contraire, elle donne à voir une nouvelle image de ces travailleurs, qui entremêle leur courage face aux conditions de travail et leur appropriation des changements des mentalités.
Un film somptueux et plein d’émotions, à voir à tout prix !
Margot Bonnéry
Souterrain de Sophie Dupuis, 97 minutes, Québec
